Le massif boisé de la Montagne Noire[1] est une entité montagnarde forestière contenant diverses essences arborées, ponctuée de clairières héritées de l’activité agro-pastorale. Cette entité fait partie intégrante du Parc Naturel Régional du Haut Languedoc. Ce vaste massif présente un relief marqué, entre 600 et 950 m dont les versants nord et nord-ouest sont entaillés de nombreuses vallées et vallons encaissés.
La forêt y occupe donc l’essentiel de l’espace (70 à 80%), elle est composée de taillis et futaies de feuillus (chênes et châtaigniers sur les bas de versants, hêtres en altitude) alternant avec les boisements plus récents de divers conifères. La Montagne Noire contient quelques surfaces en landes, composées de genêts, d’ajoncs et d’éricacées[2].
Cette richesse écologique est reconnue par de nombreux périmètres institutionnels et entre autres les ZNIEFF (Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique), type 2 pour notre espace géographique qui soulignent plus généralement l’existence de milieux globalement bien préservés. Sont aussi directement concernés par le réseau NATURA 2000 : Arfons et les vallées du Lampy et de la Vernassonne ; pour ces vallées, les caractéristiques climatiques sont originales et sont essentiellement méditerranéennes en leur aval mais marquée en leur amont par des influences atlantiques et continentales. Les sites naturels ou semi-naturels de ce type en Europe et ayant une forte valeur patrimoniale pour la flore et la faune sont rassemblés dans ce réseau qui vise à y maintenir les activités sociales, économiques et culturelles déjà présentes sur les sites désignés.
Le petit village d’Arfons confortablement assis entre les cours d’eau du Sor et de l‘Aiguebelle est bien entendu entouré de grandes et belles forêts : Ramondens bien sûr , constitué en une seule surface de plus de 1700 hectares par les Dominicaines de Prouilhe dès 1298 et qui resta leur propriété jusqu’à la révolution pour être ensuite pris en charge par les « Eaux et Forêts », Sarramégé et Sagnebaude, la Vialette, qui toutes les trois appartenaient à la communauté de Dourgne-Arfons : les deux premières revenant à Arfons et la dernière restant à Dourgne lors de la séparation des deux communes ; Hautaniboul, forêt royale et Cayroulet sur le domaine des Chartreux d’Escoussens.
Dans les temps passés, ces espaces ne ressemblaient pas du tout à l’ensemble forestier dense que nous connaissons aujourd’hui, depuis le moyen-âge ces bois étaient surexploités, le bétail en tenait lieu de pâture et la dépaissance( faire paître les bestiaux sur des terres en jachère) était de mise à tel point qu’elle engendrait des conflits territoriaux (par exemple entre les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem établis à Arfons, les Seigneurs de Saissac et le moniales de Prouilhe qui défendaient bec et ongles leurs limites territoriales traversées par les troupeaux voisins), la population consommait énormément de bois, tout comme les verriers établis dans nos montagnes.
Le roi Louis XIV qui manquait de matériaux pour construire ses navires de guerre voulut mettre de l’ordre dans l’exploitation des forêts dites royales dont l’état n’avait jamais été aussi mauvais. Les massifs forestiers arfontais en faisaient partie.
Cela aboutira à « l’ordonnance de Louis XIV sur le fait des Eaux et Forêts » donnée en Saint-Germain en Laye, elle était un vrai code forestier qui devait protéger les forêts royales et mettait en place une conduite forestière ainsi qu’un règlement d’exploitation. Une enquête va être conduite visant à mettre fin aux abus qui appauvrissaient les forêts ; ce travail sera confié à Louis de Froidour le 3 mars 1666, son nom restera rattaché par l’histoire à une remarquable restauration de ces domaines. Pour l’ensemble des patrimoines royaux, la totalité des amendes dépassera les 2 millions de livres et le roi va récupérer 35000 hectares de terres usurpées !!! Froidour visitera les forêt d’Arfons dès le dernier trimestre 1666 et début 1667, et des procès-verbaux de visite accompagnés d’un plan seront déposés forêt par forêt et des directives drastiques mises en place. Plusieurs visites de contrôle seront effectuées par les procureurs du Roi en juin 1691 et juin 1749.
Pour Ramondens des coupes particulières seront accordée aux dames de Prouilhe pour réparer leur monastère détruit en partie en 1715.
La révolution et l’Empire vont laisser leurs marques sur la forêt qui sera tout d’abord récupéré comme propriété de l’état issu de la nationalisation des biens du clergé (1792), Napoléon Bonaparte en fera même en 1803 une sénatorerie octroyée à un sénateur complaisant, le Sénateur-Comte Jean-Nicolas Desmeuniers (ainsi d’ailleurs que la maison Frascati de Castres).
A la fin de l’Empire le domaine retournera à l’état et on voit en 1823, sous la restauration, l’Administrateur du Domaine Royal décider que, aux termes des baux des trois métairies paraphés quelques temps plus tôt : Ramondens et son espace rural, Peyre-Blanque et Bordeneuve, la faculté de dépaissance dans la forêt qui avait été accordée aux preneurs ne serait pas renouvelée, afin de mieux préserver la forêt. (juin 1823). Enfin au milieu des années 1830, l’État céda le domaine rural de Ramondens à savoir les trois métairies et le château enclavé dans la forêt à un certain Mr Ramondenc propriétaire toulousain, dont le patronyme peut surprendre… !! Mr Ramondenc entreprit de construire le château qui existe aujourd’hui (il ne subsiste presque plus de traces des bâtiments antérieurs).
Les Eaux et Forêts et ensuite l’ONF poursuivent depuis la gestion de ce domaine public.
La forêt de Sagnebaude est devenue une forêt communale, et Sarremégé est rentrée dans le domaine privé.
[1] PLUI, Lauragais,Revel,Sorèzois.
[2] Les Éricacées sont représentées surtout par des petits arbrisseaux : bruyères, myrtilles et apparentées